© The Salvatore Broodinghouse Tumblr

Le 19 Mai 2001;

J’avais cru pouvoir m’enfuir, partir de cet endroit sans jamais me retourner et surtout, tout oublier. Refaire ma vie, repartir de zéro pour tout reconstruire avec l’espoir d’achever mes rêves mis de côté depuis si longtemps. Mais il ne s’agissait là que d’une utopie, et cela, je ne le compris que bien trop tard.

J’étais une secrétaire comme il n’y en avait tant, et le reste de ma vie était si simple qu’aujourd’hui, j’avais tendance à penser que tout cela n’avait été qu’un rêve. J’avais un mari et une maison dans une bourgade d’Irlande. La vie de madame tout le monde et si je me surprenais parfois à rêver d’aventures extraordinaires, je n’aurais jamais osé imaginer un jour que tout finirait par basculer. Une attaque de chiens enragés ont déclaré les gardes chasses, un ours affamé ont affirmé les forces de police. Mais aucune de ces explications ne pouvaient expliquer ce dont j’avais été témoin et personne ne fut en mesure d’écouter ce que j’avais à dire. Tous autant qu’ils étaient croyaient que j’étais devenue folle suite au massacre de ma famille, m’obligeant à me battre contre ces rumeurs jusqu’à ce que je réalise que cela ne servirait à rien. On ne peut pas forcer l’impensable à exister, pas plus qu’on ne peut changer une réalité bien que pleine de failles.

Le monde dans lequel nous vivions était loin d’être si simple et il n’y avait qu’une seule certitude : chaque conte, chaque légende, chaque histoire urbaine était basée sur une réalité. Et cette réalité était si effrayante qu’il était bien plus sécurisant de penser qu’il s’agissait là de comptines destinées à faire peur aux enfants. Les créatures surnaturelles évoluaient parmi nous, dans l’ombre de notre civilisation et se livrant un combat sans merci. Vampires comme les loups garous, ces créatures que l’on croyait sorties tout droit de l’imagination d’un scénariste en manque de sensations fortes à Hollywood, étaient faites de chair et de sang. Et nous pauvres humains que nous sommes, étions au milieu de cette guerre de territoire, passant brusquement du rang du plus redoutable prédateur à celui de l’agneau sans défense.

Lorsque j’avais compris que les responsables du massacre de ma famille étaient doués d’une conscience, la vengeance avait alors prit tout son sens. Je ne vivais que pour elle, l’accueillant dans chaque fibre de mon corps et ne faisant plus qu’une avec elle. Elle guidait chacun de mes actes, m’insufflait le courage d’avancer et ôtait la peur qui pouvait parfois alourdir mon esprit. J’avais cru être sur la bonne voie, j’avais cru pouvoir tuer les responsables puis retourner à ma vie d’avant, être capable de faire mon deuil. Mais la vérité était qu’une fois que l’on commençait, il nous était impossible d’arrêter. Si j’étais enragée, je n’étais pas pour autant stupide. Je passai des années à les observer, à les étudier et à comprendre leur société aussi bien que cette guerre qui les opposaient. Les vampires et les loups garous étaient des ennemis de longue date, et aucun d’eux n’était capable de dire comment tout cela avait commencé… si ce n’est par l’explication la plus logique qui soit : ils se battaient pour gagner la réserve de nourriture la plus importante sur la planète : nous même, humains sans défense et ignorants.

[…]
Je constituai des groupes d’exécuteurs, révélant des connaissances à des personnes qui comme moi, avaient tout perdu et qui étaient bien décidé à tout changer. Je passai des alliances avec leurs plus hauts représentants, n’hésitant pas à utiliser la menace ou encore les représailles pour défendre les intérêts de mon peuple. Des changements commencèrent à s’opérer, d’abord insignifiants pour finir par prendre de plus en plus d’ampleur : aussi puissants qu’ils étaient, ils avaient rapidement compris que leur survie dépendait de leur façon de s’adapter aux autres créatures peuplant notre planète. Des lois furent établies, la guerre fut stoppée, et mon groupe aussi petit soit-il, était là pour rétablir la balance, pour traquer et tuer ceux qui s’en prenaient aux humains et ne respectaient pas les règles. La discrétion devint alors leur unique priorité : le monde n’était pas prêt pour que les êtres surnaturels soient révélés.

Ceci est mon histoire, et si je prends le risque de tout dévoiler aujourd'hui, c'est dans l'espoir que les générations futures ouvriront les yeux sur ce monde loin d'être si parfait et se prépareront à l'inévitable. Une nouvelle guerre se prépare, et cette fois-ci, elle ne se passera pas dans l'ombre.