L’adolescente resta interdite, jetant un regard empli d’inquiétude à son double, qui se tenait à ses côtés. Le dos droit et le port de tête princier comme à son habitude, Aleksey ne montrait aucune émotion sur son visage malgré la sentence qui venait de tomber. Seuls ses yeux, du même bleu azur que sa jumelle, reflétaient la haine profonde et sourde qui tempêtait en lui. Le bleu de l’océan s’assombrissant alors qu’une tempête se préparait au large, voilà l’image qui la frappa lorsqu’elle le regarda. Et c’était ce qui allait arriver. L’alpha de leur meute, ce vieux loup qui n’avait rien fait d’autre que les malmener depuis leur naissance venait de les trainer au lupanar de la meute, en ce jour de leur quatorzième anniversaire. Dans sa tête encore pleine d’espoir, malgré la vie qu’ils avaient eu, Nevaëh s’était imaginée qu’ils allaient enfin rejoindre les rangs des loups. Que la ségrégation qu’ils subissaient allait enfin s’arrêter. Ou ne serait-ce qu’ils allaient enfin pouvoir mener une vie normale. Elle avait toujours gardé ce côté rêveur, doublé d’un optimisme qui semblait à toutes épreuves, et c’est ce qui faisait d’elle une éternelle enfant aux yeux des autres. D’un sourire, elle pouvait se convaincre que ce n’était pas aussi catastrophique que ça en avait l’air. D’un regard, elle pouvait montrer à quel point elle était naïve et crédule. Ils étaient des monstres aux yeux des autres lycans de leur clan et s’ils les avaient tolérés jusque là, c’était uniquement grâce à leur tante, la compagne de l’Alpha. Mais même elle ne pouvait plus rien aujourd’hui, alors que ce dernier avait décidé que le temps de la protection était révolu. Et aujourd’hui était le jour de sa revanche : la chasse était ouverte. Quelques simples mots qui avaient suffit à provoquer l’effroi chez la jeune femme, tandis que les hommes présents grognaient d’impatience.
« Un jour, tu payeras pour tout ce que tu nous as fait. » La voix d’Aleksey calme et tranchante s’éleva, son ton solennel montrant qu’il s’agissait bien plus d’une promesse. A ces mots, l’alpha éclata de rire, balaya ses propos d’un simple geste de la main.
« Vous avez dix minutes, avant que j’envoie mes loups en chasse. Dix minutes, pas une de plus et ils vous traqueront. Et aujourd’hui, la mise à mort est autorisée. De la façon de leur choix. » Il n’ajouta rien de plus, laissant apparaitre un rictus mauvais sur son visage comme Aleksey attrapa le bras de sa sœur, l’entrainant avec lui. Trébuchant, la jeune fille avança tant bien que mal, ayant l’impression d’avancer dans un brouillard épais. Pourtant, elle parvint à s’enfoncer avec lui dans la forêt inquiétante, au fin fond de la Russie. Leur terre natale, le seul endroit qu’ils n’avaient jamais connu et qui serait vraisemblablement leur dernier. Car la mort était tout ce qui les attendait dans son esprit, elle ne voyait pas par quel miracle ils pouvaient parvenir à échapper à une meute de loups enragés et entrainés. Elle ne pouvait même pas imaginer se battre contre eux, elle qui avait toujours subi sans jamais rien dire, courbant l’échine sous le poids des paroles comme sous le poids des coups. Parce qu’avec le temps, elle avait fini par être paralysée par la violence, à ne plus savoir comment la gérer ni comment réagir. Lorsque la fuite n’était pas une possibilité, il n’y avait guère d’autre issue que l’illusion de la soumission, même pour la dhampyre qu’elle était.
Son frère tirant toujours sur son bras pour la forcer à courir plus vite, Nevaëh finit par se dégager brutalement, l’obligeant à s’arrêter. Ils étaient suffisamment loin pour que personne ne les entendent, mais ce ne serait jamais assez pour qu’on ne les retrouve pas très rapidement. Si la contrariété se voyait sur son visage, son ton resta pourtant calme envers elle. Probablement parce qu’il savait exactement ce qu’elle pensait et qu’il pouvait sentir sa panique sous jacente.
« Nevy, ce n’est pas le moment. » Secouant la tête, la blondinette se mordit les lèvres.
« On n’a aucune chance, pourquoi est-ce que tu tiens à fuir ? La meute demande toujours à ce que ses membres affrontent la mort dignement. Et se cacher comme des lapins n’est pas la manière la plus digne qui soit. » Ils perdaient de précieuses secondes, elle le savait parfaitement. Mais si elle était toujours pleine d’illusions habituellement, elle ne voyait pas d’issue possible pour eux. Un paradoxe de plus dans sa personnalité.
« Je me fous de ce que demande la meute, Nevaëh ! » Son jumeau finit par exploser, posant les mains sur ses épaules et la secouant légèrement à chacun de ses mots, comme s’il tentait de les faire entrer dans son esprit.
« Tu es ma seule meute, et je demande à ce qu’on n’abandonne jamais. Tu m’entends ? Jamais ! » Ce qui eut pour résultat l’effet inverse, le pragmatisme de la fillette reprenant le dessus malgré sa terreur.
« Mais qu’est ce que tu comptes faire ? Les affronter un par un peut être ? Te mesurer à eux, alors qu’ils ont des siècles d’entrainement derrière eux ? » Il la relâcha brusquement, faisant quelques pas sans répondre.
« Ils veulent nous tuer parce qu’ils ont peur de nous, peur de ce qu’on pourrait leur faire si on le voulait. On est bien plus forts qu'eux… si on arrive à fuir suffisamment pour que j’affronte un par un ceux qui réussiront à nous rattraper. C'est notre unique chance. » Il avait toujours été le plus combattif des deux, celui qui refusait de s’avouer vaincu même lorsqu’il se savait dépassé. Et aujourd’hui n’échappait pas à la règle, bien qu’il soit encore plus déterminé. Parce qu’il ne s’agissait pas seulement de sa vie.
« Nous ne sommes que des gosses, Alek. Et cette fois-ci, il n’y a personne pour nous sauver, » ajouta-t-elle dans un murmure, baissant la tête pour retenir les larmes qui menaçaient d’inonder ses yeux. Elle refusait de se montrer faible en cet instant. S’ils pouvaient lui prendre la vie, alors ils ne lui prendraient pas sa fierté.
« Fais-moi confiance. » Seulement trois mots murmurés sur le même ton qu’elle, tandis qu’il tendait sa main pour qu’elle la prenne, dans une invitation tacite. La jeune enfant l’observa un instant, clignant des yeux comme pour chasser l’étourdissent qui l’empêchait de réfléchir. Puis, lentement, elle glissa ses fins doigts dans les siens, se laissant entrainer dans son sillage. Parce qu’elle l’aurait suivi même s’il l’avait conduite tout droit à la mort.
Observant son reflet dans la glace, la jeune femme resta interdite un instant. Elle était méconnaissable. Tant par les bleus naissant ou le sang s’écoulant des diverses petites plaies. Ses traits habituellement si fins et réguliers semblaient déformés par les hématomes qui semblaient se propager, et même ses lèvres si généreuses avaient plusieurs micro-coupures. Bien sûr, elle finirait par guérir, comme toujours. Il ne resterait même pas une cicatrice de cette nuit, si ce n’est celles dont on ne voyait rien, et dont elle ne parlerait sans doute jamais. La porte d’entrée de la chambre d’hôtel s’ouvrit et l’espace d’un instant, elle craignit que son client soit de retour, dans l’intention d’en redemander. Elle n’était pas en état, aussi immortelle qu’elle soit, ce vampire pouvait la tuer à tout moment, et c’était probablement ce qui lui plaisait le plus. Se raidissant, elle écouta attentivement le bruit des pas sur la moquette de luxe, et se détendit légèrement lorsque son odorat lui appris l’identité du nouvel arrivant. L’Alpha de Las Vegas. Ce n’était pas un soulagement –au contraire même, vu qu’il était le responsable indirect de son état actuel-, mais c’était tout de même une progression par rapport au visiteur précédent. Elle l’entendit s’asseoir sur le fauteuil près de la fenêtre, faisant ainsi face à la fenêtre comme à son habitude. Nevaëh prit cependant le temps de terminer d’essuyer le sang de son visage et de se reconstituer une expression la plus neutre possible avant de sortir de la salle de bain pour lui faire face. Se planta devant lui, les bras croisés sur sa poitrine, elle l’observa un instant, son regard azur trahissant toute la haine qu’elle pouvait éprouver à son égard. Si cela ne tenait qu’à elle, elle le tuerait sans hésitation. Ou tout au moins, elle tenterait. Mais aussi forte qu’elle était, Gabriel avait pour lui les siècles d’expérience, et non seulement la rage de vaincre, mais également d’écraser ses adversaires. Des détails qui faisaient toute la différence lors d’un combat, et qu’elle n’avait pas. Sans compter que la vie de son frère était également en jeu si elle faisait un faux pas. Et cela, ce n’était pas un risque acceptable. Comme s’il lisait dans ses pensées, Gabriel laissa échapper un rire ironique.
« Tu sais que je te tuerai et que j’abattrai l’animal qu’est ton frère. » Les loups étaient capables de lire le langage corporel, et c’était un véritable handicap parfois.
« Il n’est pas si facile à tuer, » répliqua-t-elle d’un ton tranchant, bien qu’elle sache parfaitement que l’Alpha n’avait guère l’intention de provoquer un combat équitable. Et le sourire qu’il lui adressa confirma ses doutes.
« Tu as l’argent ? » Le changement de sujet la fit revenir à la réalité, comme d’un mouvement du menton, elle désigna le tiroir de la table de nuit. Ce qu’elle avait reçu cette nuit de la part du vampire, qui devenait un amant régulier à son désespoir. Mais elle ne pouvait rien faire contre cela, pas avant deux autres années en tout cas. Son jumeau et elle avait fait la connaissance de Gabriel en Russie, l’Alpha leur proposant un marché : si les dhampyres lui offraient leurs services pendant cinq ans, alors il les ferait rentrer aux Etats Unis. Traqués par leur ancienne meute et sans aucun espoir d’avenir si ce n’était celui de la mort sur le vieux continent, ils n’eurent guère d’autre choix que d’accepter, sans regarder ce qu’était ces fameux services. Nevaëh s’était alors retrouvée plongée dans un réseau de prostitution, mis au point par l’Alpha, et prévu pour les créatures voulant passer du bon temps en toute discrétion. Si certains étaient plus sobres, la plupart avaient des mœurs particulièrement violentes, comme le vampire de cette nuit là. Fourrant l’enveloppe pleine de billets dans la poche de sa veste en cuir, Gabriel s’arrêta à sa hauteur, prenant son visage entre ses mains pour l’examiner. Le geste était presque insultant tant que c’était par pur intérêt, mais la jeune femme ne prononça pas un mot, se contentant de serrer les dents lorsqu’il appuya sur certains endroits.
« Je pense que tu as des os de cassés, » finit-il par annoncer d’une voix neutre, la relâchant.
« Je suis venu avec le toubib, laisse le t’examiner, histoire que tout soit réparé très rapidement. Tu as du travail demain soir. » N’attendant pas sa réponse, il sortit de la chambre, de sa démarche menaçante habituelle.
Se relâchant quelque peu, la jeune dhampyre s’assit sur le canapé de la suite, prenant de profonde inspiration. La porte s’ouvrit à nouveau, et elle se sentit soulager en voyant Thomas arriver vers elle, sa sacoche dans la main et la poche d’un fast-food dans l’autre.
« Je me suis dit que tu aurais faim, » annonça-t-il en guise de salutations, lui tendant son repas. Il était le médecin de la meute, un loup soumis et certainement le seul avec qui elle s’entendait bien. Probablement parce qu’il était également un des seuls à ne pas avoir demandé à la mettre dans son lit. Souriant en guise de remerciements, Nevaëh s’empressa d’ouvrir le sac, mordant dans le hamburger. Il ne prononça pas un mot pendant qu’il s’affairait à la soigner, ne s’affolant pas lorsqu’elle ne put retenir ses grognements comme il remettait certains de ses os en place. Il était habitué à soigner des loups dominants gravement blessés, et c’était un exercice aussi délicat que dangereux. Ce fut lorsqu’il se recula légèrement, que Thomas s’autorisa à parler.
« Tu sais, je ne peux pas demander de l’aide extérieure. Gabriel a donné des ordres stricts à tous ses loups. Mais tu ne fais pas parti de la meute. Tu peux ignorer ses ordres. » La jeune femme lui jeta un regard étonné, ne comprenant pas où il voulait en venir. S’ils parlaient souvent, jamais il ne lui avait tenu un tel discours.
« Pour appeler qui ? » Le loup devint légèrement nerveux, se levant et rangeant ses affaires.
« Il y a des lois qui interdisent les agissements de Gabriel, et il y a des gens qui pourraient te protéger toi et ton frère. » Secouant la tête, elle ne put retenir un rire désabusé.
« Nous sommes des dhampyres. Il n’y a personne pour nous venir en aide. » Une vérité qu’elle avait appris à ses dépends, lorsqu’elle avait essayé de survivre avec son frère, après leur fuite de leur meute. Thomas se contenta de lui glisser un petit papier dans la main en guise de réponse, avant de se diriger vers la porte.
« Il ne faut pas condamner tous les loups en te basant sur l’agissement d’une poignée d’entre eux. Si tu veux vraiment t’en sortir, avant que tout cela te tue toi ou ton frère, appelle ce numéro, » conclut-il en se retournant, une main sur la poignée de la porte.
« Et Change toi pour la nuit, tu as besoin de guérir. » Elle ne répondit pas comme elle regarda le bout de papier chiffonné, sur lequel elle pouvait y lire un numéro de téléphone, l’écriture montrant clairement l’empressement dont avait fait preuve le loup. Il y avait un seul nom, en guise d’explication : le Marrok.
Faisant face aux trois vampires, Nevaëh pencha la tête sur le côté dans une parfaite mimique de sa louve, mais ne prononça un mot. Elle savait les attaques envers l’autre race interdites, un détail dont ne semblait se soucier les solitaires, mais elle ne serait pas celle qui attaquerait en premier. Cela faisait maintenant deux ans qu’elle était à Aberdeen, la ville qui lui avait permit un nouveau départ avec son jumeau. Deux ans qu’elle menait une vie normale et salvatrice, depuis que le Marrok était intervenu à Las Vegas. Ce dernier avait été clair sur les termes du marché : les dhampyres ne devaient causer aucun problème sur son territoire –ledit territoire étant plutôt vaste, puisqu’il s’agissait du continent. Même si elle s’était montrée méfiante au début, s’attendant à ce qu’on l’utilise une nouvelle fois de façon pas très catholique, elle avait fini par croire en cette nouvelle existence et avait respecté sa parole donnée. Peut être que Thomas avait eu raison, lorsqu’il avait tenté de lui expliquer que tous les loups n’étaient pas des animaux comme ceux de sa meute ou de Las Vegas. Cette théorie ne l’avait pourtant pas sauvé, lorsque Gabriel avait découvert l’arrivée du Marrok et avait décidé d’éliminer les témoins les plus gênants. En repensant au médecin qui l’avait plus d’une fois sauvée, la jeune femme eut un pincement au cœur. Jamais elle n’aurait imaginé regretter quelqu’un de Las Vegas mais elle secoua la tête comme pour chasser ses pensées. Sa louve ne permettait pas de vivre dans le passé et à l’heure actuelle, c’était elle qui prenait le dessus pour faire face à la menace. C’était elle qui était la plus protectrice et possédant la rage de vivre, leur permettant de survivre depuis toutes ces années.
« Allons petite louve, nous ne voulons que nous amuser. » La voix de l’un d’entre eux raisonna dans la nuit, la faisant froncer les sourcils. Elle n’était plus une victime depuis son arrivée ici, et ne le permettrait jamais plus. Si elle n’était pas devenu non plus une combattante comme son frère, qui lui avait rejoint les rangs du Directoire, la jeune dhampyre sans défense et vivant avec une épée de Damoclès au dessus d’elle, était bien loin aujourd’hui. Souriant légèrement, Nevaëh laissa le changement de personnalité s’opérer, la louve prenant le dessus tandis que ses yeux azurs se mettaient à briller dans la nuit. Le signe que son Changement n’était pas loin.
« Allez jouer ailleurs, vous êtes sur le territoire de la meute de la Péninsule Olympique, la chasse n’est pas autorisée. » Elle ne faisait pas partie de la meute, mais cela n’avait guère d’importance en cet instant. Tout comme elle ne prit pas la peine de les corriger quant à ce qu’elle était. Le vampire n’était pas loin, mais il serait un avantage non négligeable si jamais les intrus lançaient un combat, car il était le plus féroce avec des instincts aussi primaires qu’effrayants. Les étrangers lui répondirent par un rire, dévoilant leurs dents parfaitement blanches dans la nuit. Elle aurait du être inquiète ou même effrayée à la perspective de se battre, mais avec sa louve aux commandes, elle pouvait presque sentir l’exaltation à l’idée de ce qui allait arriver. L’animal en elle se délectait à l’idée de pouvoir s’amuser un peu, et elle ne le retint pas. Pas ce soir là. La colère enflamma sa personnalité habituellement douce, et son corps se tendit, comme il se préparait à l’attaque qui allait venir.
Ouvrant la bouche pour lancer un dernier avertissement, Nevaëh perdit presque l’équilibre lorsqu’une vague de puissance les traversa, le pouvoir faisant chanceler les vampires comme ils tournèrent la tête vers la nouvelle menace, ignorant brusquement la jeune femme. Elle n’était pas le plus grand danger à cet instant, et leurs instincts de prédateur les poussaient à lui faire face. L’Alpha. La dhampyre ne put également s’empêcher de tourner les yeux vers lui, se faisant violence pour jeter des coups d’œil réguliers aux intrus. Mais l’Alpha attirait sur lui tous les regards lorsqu’il arrivait quelque part, et c’était d’autant plus vrai lorsqu’il laissait éclater qui il était de manière aussi violente. Sa silhouette se détacha dans la nuit, comme il vint se poster auprès de la jeune femme, un sourire menaçant aux lèvres et ses yeux ocre brillant dans la nuit. Le fils du Marrok n’était pas de bonne humeur, et il aurait fallu être suicidaire pour tenter quoi que ce soit contre lui. Ses loups étaient probablement déjà en route, par l’appel qu’il avait lancé. La moitié de la ville pouvait même être en chemin pour ce qu’elle en savait, au vu du pouvoir dont il avait fait preuve.
« Je crains Messieurs que vous ne puissiez rester ici, » finit-il par dire, sa voix parfaitement calme et posée, tout comme le langage de son corps. Mais le loup était toujours présent dans ses yeux, et c’était ce à quoi il fallait se fier.
« J’avertirai moi-même la maîtresse de la ville de votre départ, et des raisons. Si vous choisissez de rester, vous violez le traité et nous serons dans notre droit de vous donner la chasse. » Les solitaires se semblaient guère intéressé à l’idée d’entrer en guerre avec des lycans, deux d’entre eux tournant les talons et disparaissant.
« Ce n’est qu’un mal entendu, » annonça le dernier avant de partir à son tour.
« Je n’en doute pas, » répliqua l’Alpha dans un murmure, avant de se retourner vers la dhampyre. Ses yeux étaient redevenus humains et son visage avait perdu son masque effrayant avec une rapidité quelque peu déconcertante. Il semblait être un loup parmi tant d’autre et elle aurait pu s’y méprendre si elle n’avait pas été là quelques secondes avant, ou si elle ne le connaissait pas. Le fils du Marrok était tout sauf un loup normal.
« Tu n’as plus rien à craindre, » lui dit-il avec un sourire qui se voulait rassurant. Mais ce fut tout sauf des remerciements qu’il reçut en échange. La dhampyre sentit son mauvais caractère s’enflammer et sa colère revenir à l’idée de lui devoir quelque chose.
« Je n’avais pas besoin de ton intervention, Alpha. » Le ton tranchant et le visage fermé, elle croisa les bras sur sa poitrine dans une posture loin d’être adaptée lorsque l’on faisait fasse à un dominant. Mais sa race n’accordait guère d’importance à la dominance dont faisait preuve les loups, et qui les régissait tous. Elijah fronça les sourcils, son loup apparaissant à nouveau dans ses yeux quelques instants avant qu’il ne se maîtrise, décidant de s’en amuser. Il ne parviendrait pas à la soumettre si elle ne choisissait pas de le faire, et il n'avait guère envie de se lancer dans un combat de dominance avec la jeune femme.
« Oh vraiment ? Ce n’est pas ce que j’ai cru voir. » Sa voix ironique acheva de la mettre en colère et elle se lança dans un débat enfantin avec lui, tous deux refusant pourtant de céder face à l’autre. Ils se disputèrent comme des chiffonniers pendant des longues minutes, ignorant les gardes du corps de l’Alpha venu le rejoindre et qui les observèrent, médusés. Lui de tous les loups, elle ne supportait pas l’idée de lui être redevable. Mais si elle avait su ce que tout cela allait engendrer, elle se serait peut être abstenu de lui tenir tête.