AGE ☞ officieusement, il a passé le cap des trente ans
ORIENTATION SEXUELLE☞ hétérosexuel
ORIGINES ☞ irlandaise
RACE ☞ humain à la base
CASTE ☞ nécromancien
OCCUPATION ☞ his heart belong to the sea, et plus ça change, plus c'est pareil.
CARACTÈRE ☞ pessimiste - chiant - buté - décalé - instable - d'humeur changeante - susceptible - rêveur - troublé - cynique - placide - réfléchi - présomptueux - incrédule - impatient - superstitieux.

COMMENT AVEZ VOUS DÉCOUVERT VOTRE DON ? ☞ contrairement à la plupart des "privilégiés" de ma condition, je n'ai pas eu de précepteur, ni de guide tout usage pour nécromanciens débutants. non, j'ignore d'où cela me vient, d'où je tire cette capacité à tromper la mort, de me jouer d'elle, la tentant, l'invitant à se contenter d'un subterfuge pour lui soudoyer un défunt. une vieille femme que j'ai rencontré, un jour, sur un port d'une ile du pacifique, m'a raconté que j'étais un individu spécial. je veux bien le croire, je veux bien l'admettre, mais ça ne m'a pas aider. pas avant que je lui file quelques pièces pour l'inviter à m'en dire plus. elle m'a raconté, tout en jouant avec une tasse de thé, relevant les ombres, la turbidité du liquide, que contrairement à ce que l'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'un don quelconque. en se mettant à parler à voix basse, comme si elle avait peur qu'on l'écoute, elle m'a glissé, sur un ton inquiet et désolé, qu'il s'agissait d'une malédiction. je n'y croyais pas, je n'y ai pas cru pendant des lustres, jusqu'à ce que chaque usage de ma condition spéciale finisse par mal tourner, se terminer par un échec lamentable et total. des preuves, j'en ai eu des tonnes au fil des années, et personne n'a su me dire d'où je tenais cette malchance innée quant à mes invocations égoïstes. ça ne touchait pas les services que je rendais pour renflouer mes poches, non, c'est quand j'aurais eu BESOIN de ces pouvoirs pour mon bonheur personnel qu'ils étaient les moins utiles, les plus cruels même. à quoi bon relever les proches des uns quand on doit laisser les siens six pieds sous terre?
AVEZ VOUS DÉCIDÉ DE VIVRE DE CE DON OU DE LE CACHER ? ☞ je n'aspirais qu'à une chose, c'était naviguer. c'était vivre de mes traversées, de respirer l'air rempli d'humidité et de chaleur qui me provenait de la mer, son appel incessant à m'en rendre fou, la force des vagues qui se brisent sur les coques des navires en une mélodie que l'on n'apprécie qu'à force de l'avoir apprivoisé. on doit y être invulnérable, insensible à la mort, à la soif, à la faim et à la maladie. le corps doit cesser de considérer les soubresauts du navire comme une tare, mais comme une bénédiction. il faut s'y sentir comme bercer dans les bras d'une mère particulièrement chaleureuse et aimante. je n'ai donc pas eu à me servir de ces pouvoirs qui me plaisaient tout particulièrement, étant gosse, simplement pour épater la galerie, et tout particulièrement la petite brighid. puis mon père m'a entraîné avec lui sur le port, avant que l'on brûle vive ma mère pour sorcellerie. ça se parlait, alors j'ai laissé tomber durant un temps, des années. jusqu'à ce qu'il soit mon dernier recours, pour manger ou encore pour retrouver le goût de vivre. il m'a offert le pain, mais m'a laissé complètement paumé pour en retrouver l'envie de le manger.
VOTRE NIVEAU DE PUISSANCE ☞ il est étonnant à quel point il est difficile de se défaire des heures que j'ai mis, enfant, à m'exercer sur des petits animaux, des rongeurs tout particulièrement - il en avait des tas dans les immenses greniers à blé près du port de notre petite ville, près de la mer, dans l'immensité de l'irlande. j'ai toujours été posé, calme, ce qui m'a permis d'avoir une concentration suffisante pour cerner l'origine de ces capacités inouïes, plutôt inusités, relevant de la magie noire aux yeux de la plupart. il semblerait que la colère, le désespoir et la tristesse infinie canalise mes capacités, les décuple même. savoir lire y a également eu son mot à dire, car j'ai eu l'occasion de consulter des ouvrages concernant la nécromancie, au fil des années. il y avait de ces trucs fous, complètement insensés, mais j'ai fini par tomber sur des ouvrages véridiques, permettant de comprendre ces petits détails qui m'empêchaient d'avancer. c'est à partir de ce moment-là que j'ai pu user de mon "don" pour me ravitailler quand mon métier de marin n'était plus suffisant, dans le rôle de consultant dans des successions ou autres. ça ne me plaisait guère, de toute façon, si je ne suis pas sur la mer, rien ne me comble, ni même me suffit. je suis peut-être rouillé, mais quelque chose me souffle qu'il suffirait de m'appliquer un peu pour retrouver la vigueur des jeunes années...
LE DIRECTOIRE ☞ je salue l'initiative d'un pareil concile, mais je ne crois pas que cela suffise à tenir chaque être doté d'un pouvoir exceptionnel de se tenir à carreaux. plus on cherche à contrôler une espèce, et plus ses chaînes lui semble dures à portée et plus tentantes de se défaire. il risque d'y avoir un grabuge énorme si l'égo s'en mêle, si la nature des hommes vient à jalouser le pouvoir de ces représentants, et surtout de la menace qui pourraient peser sur eux si on se met à les surveiller de trop près.

PSEUDO / PRÉNOM ☞ marie-chantal
PRÉSENCE ☞ cinq sur sept
OU AVEZ VOUS CONNU LE FORUM ☞ sur bazzart grâce à datura
COMMENTAIRE(S) ☞ je plussoie un tel univers, ça manquait au cyberespace
POSTE VACANT, SCENARIO OU INVENTÉ ☞ inventé
COMPTE PRINCIPAL OU DC ☞ seul et unique compte
AVATAR ☞ jonathan rhys-meyers, aka sexgod

la foi ♦ est-ce inconcevable dans le monde actuel de continuer à croire en une puissance supérieure, bien au-dessus des hommes, au-delà des créatures de la nuit, de celles à fourrures, de l'infant de ces deux espèces, nettement plus capable que nous qui levons les morts hors le lieu de leur repos éternel? à voir à quel point les gens s'éparpillent, croient en leur toute puissance plutôt qu'à se contenter et se sustenter de chaque jour comme s'il était le dernier, de profiter de ce qui nous a été offert plutôt qu'en vouloir plus? le plus con, c'est que j'ai été comme ça, impétueux, riant à la gueule de ce Dieu aveugle, sourd et muet au premier degré. j'ai ri jusqu'à ce qu'il revêt ses allures de Dieu vengeur et impitoyable. avec le temps, avec les blessures, avec le recul, je conçois la part miséricordieuse, sans vraiment adhérer au concept d'un Dieu bon et d'amour. je tente de marcher dans le droit chemin dans l'espoir de faire oublier mes écarts passés, de ne plus faire subir aux autres le prix de mon insouciance, de ma désinvolture, imbu comme je pouvais l'être. c'est sans doute la raison pour laquelle je porte la main à ce chapelet qui n'a pas quitté mon cou depuis des décennies, ce qui est plutôt contradictoire au fait que je continue à braver les interdits en ramenant les âmes des défunts loin de ce paradis et de cet enfer à laquelle Sa justice absolue nous dirige, il faut croire que l'âge ne coordonne pas toujours avec sagesse, et si je cherche la rédemption pour l'âme des autres, je suis convaincu que la mienne est d'ores et déjà condamnée.

le temps ♦ une seconde, une minute, une heure, une journée, un mois, une année, tout est du pareil au même si on ne profite pas de ce que nous offre chaque parcelle de la vie. la vie est trop courte quand on la consomme à outrance, alors il faut prendre le temps de s'arrêter pour y croquer. les plaisirs sont éphémères, on l'apprend à notre dépend, et les regrets sont infinis. je parle en connaissance de cause, et si c'était à refaire, je donnerais tout ce que j'ai, les années comme les économies, rien que pour revivre une brise dans les plaines irlandaises, pour entendre de nouveau son éclat de rire, pour goûter de nouveau à la cuisine sans pareille de ma mère, pour cahuter de nouveau avec callum ou pour empêcher certaines choses d'arriver. je contrôle la mort, je joue avec elle et avec ceux qui s'y font bercés, mais je n'ai pas la main mise sur le temps qui passe, sur celui qui m'a été volé avec ceux qui font de chaque moment des mémoires impérissables. dommage qu'on soit tous trop jeunes et trop cons pour s'en rendre compte quand il se passe les meilleurs instants de nos vies, et s'il en retourne à nous d'en vivre de nouveau, je suis trop préoccupé à raviver dans ma mémoire ceux du passé pour être certain de ne jamais les oublier. c'est idiot, ils sont gravés dans ma mémoire, dans ma chair, au fer chauffé à blanc dans ma tête, à l'encre sur mon corps...

l'impuissance ♦ j'ai eu l'occasion d'entendre les gémissements, les soupirs, les pleurs, les éclats de rire, le contentement, le bonheur, la surprise, la candeur de ceux qui ont eu la chance de voler quelques instants à la mort pour vivre un moment privilégié avec l'un des leurs, malgré leur trépas. dans mon cas, je suis condamné à envier - et à me détester pour ça, d'ailleurs - ces derniers. je suis peut-être doué pour réveiller les morts qui me sont inconnus, mais je suis incapable de mener les miens à la lumière, question de ne pas les avoir perdu et de me moquer de la Mort une fois de plus. je n'ai pas réussi avec callum, mon frère cadet, pas plus que j'ai réussi à arracher des griffes de la Grande Faucheuse brighid. vous savez, cette petite fille que j'essayais à tout prix d'épater? je l'ai marié, mais pas avec tous les honneurs et les bonheurs qui s'y rattachent en temps normal. il n'y avait rien de normal pour une bourgeoise de s'éprendre du fils d'un marin veuf qui passe plus de temps dans les tavernes des ports - et tous savaient ce que cela signifiait. alors je l'ai enlevé, un soir de pleine lune, pour la marier à l'aide du père attitré à l'abbaye qui a bien voulu consacrer une union vouée à l'échec. il ne suffit pas de s'aimer, je l'ai appris à ma grande surprise. à mon grand désarroi, aussi. je l'ai perdu, on me l'a volé, et je me suis vengé avant de m'embarquer pour les Amériques. je leur ai volé ce qu'ils avaient de plus précieux, malgré leur facilité à lui enlever la vie pour lui éviter de partager la mienne. je l'ai rappelé tant de fois, je l'ai pleuré tant de fois après qu'elle eut fait un soubresaut, sans jamais aller plus loin que de se redresser et ouvrir ses grands yeux, de battre des cils une fois, avant que le souffle de vie qui l'habitait brièvement s'échappe de nouveau, alors qu'elle m'échappait. de peur d'abîmer sa dépouille, de souiller tout ce qu'il me restait d'elle, je l'ai offert à la seule autre chose à laquelle je tenais: la mer.

la malédiction ♦ je n'ai jamais retrouvé la sorcière qui m'avait parlé de ce maléfice qui courait dans mes veines, infectant chacune de mes interventions visant à faire revenir l'un des miens à la vie. tout ce que je sais, c'est qu'elle pourrit mon existence, qu'elle m'a bouffé de l'intérieur jusqu'à me donner envie d'en crever. je ne compte plus les fois où j'aurais voulu en finir, histoire de les rejoindre, de ne pas être seul. il semblerait que cette salope de Faucheuse ne veut rien savoir de moi. c'est d'ailleurs pour cette raison-là que je suis toujours à errer, à vivre de moins en moins vertueusement, éternellement voué à apparaître à la jeune trentaine, me sentant comme si j'avais vécu mille ans à l'intérieur. il semblerait qu'à force de me jouer de la mort, elle s'amuse à me narguer à son tour. ce n'est que justice, le légitime retour des choses. j'ai mis des années à émerger de cette torpeur, retrouvant pied sur le pont d'un navire, m'enivrant dans les tavernes de bière et de l'effluve du parfum des putes qu'on trouvait dans chaque endroit que l'on pouvait visiter. puis j'ai réussi à prospérer en investissant dans le domaine nautique, et sans être riche, je n'ai guère à me préoccuper des finances. je suis donc toujours là, profitant de chaque instant possible pour m'évader en plongeant dans la mer, me contentant parfois de l'eau fraîche d'un lac ou d'une piscine, car aujourd'hui ne navigue pas qui veut. je me suis adapté, je suis devenu quelqu'un d'autre, toujours poursuivi par le passé, mais capable de vivre le présent. pas encore l'apprécié, je n'irais pas jusqu'à dire ça, mais je suis adapté et, peut-être un jour, trouverais-je la force d'en profiter pleinement.

Je respire le seul air qui sait m'apaiser de cette façon-là, je m'en gonfle plein les poumons, comme si je pouvais la traîner avec moi. Ce serait bien de m'en mettre plein les poches, histoire d'en conserver une ou deux bouffées quand ça pourrait m'être utile, c'est-à-dire pile au moment où je ne peux pas venir ici. C'est paisible, le port, peu après l'aube, en fin de matinée, bien après que les pêcheurs soient revenus, bien après que les navires eurent accostés, bien après que les employés ont foulés par dizaine les planches de bois usées sur laquelle je viens de m'assoir, la pipe à tabac de mon père coincée entre les lèvres. J'ai retiré mes chaussures, relevé mon pantalon, et je plonge avec un plaisir non-dissimulé mes pieds à l'eau, entendant les vagues s'accrocher et se briser contre les lourdes poutrelles qui soutienne ce pont en particulier, je l'entends danser sous moi, alors je ferme les yeux, inhale une bouffée d'air et de tabac à la fois. Je me sens bien. Être seul, pour fuir les ivrognes qui ont la force de se lever pour travailler, pour fuir tout ce qui a pour habitude d'être paysage habituel, pour ne profiter qu'un moment en tête à tête avec ma conscience. Je pense à elle. Je pense à nous. Je pense à tout et n'importe quoi, en fait. Je rêve, comme on dit. Je m'éparpille et je perds mon temps, comme mon père adore le signifier. Je tiens ça de ma mère, d'aspirer à une vie meilleure, un monde meilleur, aspirer à plus qu'à fonder une famille avec la détestable peste, fille d'un collègue de papa. Je la veux elle, rien ni personne d'autres. Je prends une autre bouffée, je l'expire presque rageusement. Il n'y a personne pour écouter, personne pour comprendre, personne pour me prendre au sérieux. Dommage, j'aimerais bien parfois, pourtant...

« Chad? On te cherche partout, qu'est-ce que tu fais? ». Je pince les lèvres d'agacement, détourne la tête, l'air mauvais. Callum a beau avoir tout pour lui, il peut parfois être aussi crétin que le plus inculte des irlandais « J'attends que les sirènes viennent m'enlever pour ne plus avoir à côtoyer l'un d'entre vous ». Il me balance un coup de pied dans les côtes,et la réponse est immédiate : voilà l'une des trop nombreuses bagarres entre les frères Mac Uidhir, légendaire dans notre petit coin de pays. C'est qu'on est trop différents et trop pareils à la fois, lui et moi. Je voudrais être l'adulte, mais je n'y arrive tout simplement pas. Il me tarde de ne plus avoir à endurer le regard plein de fierté que mon père lui porte, et j'admets qu'il s'agit d'une flamme de rancœur et de jalousie qui me pousse à être aussi peu cordial avec mon cadet, le plus souvent. Père Allistair me demande de travailler là-dessus chaque fois que je me confesse, mais je n'ai sans doute pas le soutien du Tout-Puissant, parce que plus ça change, plus c'est pareil « Fais le mort si tu y tiens alors ». Il s'éloigne, et ça me donne encore plus envie de le frapper en plein milieu du torse. C'est à moi de mettre un terme à ça, pas à lui, lui, c'est le gamin qui me suivait partout pour imiter chacun de mes gestes, c'est celui dont j'ai sauvé la mise trop souvent, parce qu'il a une misère absolue à nager, malgré ses efforts constants pour être le troisième marin de la famille. Je me redresse, essuie le sang qui perle au coin de ma lèvre inférieure, pose la main sur son épaule. Il se défait de l'étreinte que je reprends, plus vivement, de façon à ne pas le laisser se dérober de nouveau. Il ouvre la bouche que je le devance « Maithiúnas [pardon] petit frère ». Il se décrispe, lève son bras, le dépose au même endroit que le mien sur mon épaule sans répondre. J'ignore d'où il tire sa force de caractère, son humilité, sa capacité à encaisser sans répondre, sa facilité à pardonner. J'ouvre la bouche, la referme, cherche mes mots « Labhraìonn [parle] mon frère ». Je ne sais jamais par où commencer, parce que j'ignore sans doute d'où cela tire son origine. C'était tellement plus simple quand on était gosse, que j'étais son modèle, sa seule référence quand papa partait en mer pendant des semaines. Le monde change, et pas comme je l'espère la plupart du temps. Les mots tardent à me venir, le tabac fume, se gaspille dans l'air ambiant. J'en prends une bouffée pour mettre de l'ordre dans mes pensées « La simplicité me manque » que je lâche simplement, comme si ça expliquait la pluie et les étoiles. Callum sourit, m'enlace « Il n'en tient qu'à toi de faire le ménage dans ta vie, Chad ». Ais-je dis que j'enviais terriblement la perpicacité et la sagesse de mon cadet?

Faire le ménage de ma vie, c'est beau coucher sur le papier, comme principe, mais comment l'appliquer? La source du problème étant tel que tout ce qui métamorphosait le jeune homme simple, travaillant, un brin impulsif, tout à fait inconscient, en cette ombre de moi-même, meilleure pour errer sans but que pour prendre une décision quelconque s'avérait être la même chose que celle qui tenait tout en place. La source de mon problème, ma raison de vivre et de rêver portait un nom, simple, gracieux sans être pédant. C'était Brighid. Elle avait une carnation claire, quasi translucide. Je la fréquentais nettement plus souvent quand j'allais encore à l'école, sur les bancs, dans la jeune dizaine d'années, quelques temps à peine avant que mon père m'en sorte pour m'amener travailler avec lui pour permettre à maman et à Callum de manger convenablement. Je n'y aurais vu aucun inconvénient, je m'y ennuyais pour mourir, sur les bancs d'école, si ça n'aurait été d'elle. Sans son sourire contagieux, ses connaissances épatantes, sa façon de faire sentir chaque personne importante, spéciale à ses yeux, ça aurait été différent. Si je ne cherchais pas son attention depuis que j'avais sept ans, que je ne vivais que pour ces quelques fois où j'ai pu prendre sa main dans la mienne, l'entraîner à l'orée du petit boisée à l'écart du village pour lui montrer mes talents, pas ceux d'érudits, mais ce don d'insuffler de la vie à ce qui n'en avait plus. La première fois, elle avait crié, puis s'était calmer d'elle même, réclamant des explications. C'est sans doute là que je suis tombé amoureux d'elle, indubitablement, inexorablement. Elle ne m'a pas traité de monstre, ni même d'antéchrist, non, elle a voulu comprendre, apprendre même. C'est bien la seule chose à laquelle elle n'était pas douée, la nécromancie. C'est qu'elle est trop douce, trop érudite, trop bien pour ce genre de tour de passe-passe. C'est elle qui m'a conseillé de ne pas en parler, m'a ensuite fait promettre qu'il s'agirait de notre secret à nous deux. Avec le recul, je me rends compte qu'elle m'a sans doute éviter les pires tortures, voire même des accusations formelles de sorcellerie. Du moins, elle y est parvenue un bon moment. Je n'écoute personne, et même si ça a été la pire chose que j'eus jamais à faire, trahir ma parole que je lui avais donné m'a adossé à un mur, mis sur une pente glissante. J'ai du me faire discret, m'éloigner d'elle, du moins en apparence. En réalité, pas une seule seconde ne passe sans qu'elle n'apparaisse dans mes pensées. Moi qui croyait ne jamais être atteint par cette drôle de magie qu'est l'amour, me voilà drôle possédé, et pour de bon. Je ne respire que dans l'espoir de sentir son propre souffle. Je marche que dans le but de croiser son chemin. Je ne vis que pour les moments qu'on vole au temps qui passe, à ces instants qui n'appartiennent qu'à nous et qui ont, pour moi, une valeur inestimable.

« Tu peux retirer tes mains, je les reconnaitrais entre toutes » qu'elle souffle doucement, déposant ses paumes sur les miennes, les faisant glisser de son regard qu'elle lève vers moi, un sourire sur les lèvres. Je me penche sur elle, dépose ma bouche sur la sienne, sent une sensation étrangement familière qui inonde mes tripes, me donnant l'impression d'être complet, impression que je ressens uniquement et exclusivement à proximité de Brighid. Croisant mes doigts entre les siens, je la soulève doucement du sol, lui vole un nouveau baiser. Sans que je sois plus surpris qu'il ne le faille, elle détourne la tête, l'air soupçonneuse « Qu'est-ce qu'il y a? Qu'est-ce que tu ne me dis pas? ». Elle me connait mieux que je me connais moi-même. Je regarde autour de nous, mord ma lèvre inférieure, lève ma main dans l'idée de la glisser dans mes cheveux, mais elle me retient. Me force à imbriquer mon regard dans le sien, regard que je fuis pour me paraître plus important que celui de Dieu le père « Mo chroí [mon coeur] ». J'ai horreur qu'elle fasse ça. J'ai horreur que la plus douce des caresses qu'elle procure du revers de la main contre ma joue soit plus efficace que la plus vile des tortures à me faire parler « Tu dois te marier avec le fils O' Cuìnn au solstice d'été ». Elle se détache vive, me repoussant violemment. Je mords l'intérieur de ma joue, fais un pas vers elle, mortifié de la voir reculer au même moment « C'est faux, rassure-toi Rea, je n'épouserai personne d'autre que toi ». J'aimerais tellement que son père pense comme elle, j'aimerais qu'il voit en moi autre chose que le fils du marin ivrogne qui panse la perte de sa femme adorée avec les putes qui vont au Seaside, le pub miteux du port de notre village. Mais non. Je suis un perdant, et sa fille doit s'afficher au bras d'une famille prospère de la région, pas à un aspirant marin rêveur, pieux dans son impitié, sans éducation aucune « Ton père a été formel, Brighid ». Un silence de mort s'installe, et si je n'avais pas une dernière once de fierté qui m'en empêcherait, j'en verserais des larmes de frustration. Mes mains en tremblent, et je n'y peux rien. Elle, elle frissonne tout entière. Son corps fin est secoué d'un soubresaut contre lequel je n'ai aucun remède. Elle ne sera jamais mienne, on me l'interdit. Quand je la regarde, je sais qu'elle vaut mieux que ce que je pourrai jamais lui offrir, mais elle est la seule chose précieuse qui m'importe, et tout l'or du monde ne s'y compare pas « Il ne ferait pas ça sans me -». Elle stoppe, interdite. Relève la tête, son beau regard noyé par les larmes que je ne sais pas verser. Elle s'approche, me pousse de toutes ses forces, sans réussir à me faire bouger du tout « Il est venu te voir, te convaincre, et tu n'as rien fait, rien dit? Dis-moi tout suite si on ne vaut pas la peine qu'on se batte de toutes nos forces pour être tous les deux! Dis-le moi MAINTENANT! ».

Elle est tellement belle, Brighid, c'est une Amazone. Mon Amazone. Ma princesse guerrière. Mon alter ego. Mon âme soeur. L'autre moitié de moi-même. Elle le sait, je le sais aussi, il n'y a que le reste du monde pour se borner à ne pas le voir « Is breá liom tú [Je t'aime] ». Je le lui crie à plein poumon, parce qu'elle s'était retournée et courrait loin de moi, me laissant en plan, seul. Elle s'arrête, se retourne, patiente. Je ferme les yeux, je les ouvre de nouveau, puis me répète, séparant chaque syllabe l'une de l'autre, imbriquant les mots dans une certaine solennité « Is breá liom tú Brighìd de Buitléir ». Je marche vers elle, ça semble prendre une vie pour la rejoindre, mais j'y arrive. Je le lui répète encore, comme s'il s'agissait d'une mélodie, d'une chanson dont elle est la muse et unique inspiration, détentrice de ce qui lui donne un sens « Prouve-le ». Je suis incrédule « Prouve-moi que tu m'aimes, prouve-le moi ». J'attends qu'elle me dise comment faire, qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour étayer mes propos. Je ferais n'importe quoi pour elle, de toute façon. J'ai toujours fais n'importe quoi sans même réfléchir quand il était question d'elle, on ne change pas un homme « Épouse-moi Aindreas, si tu m'épouses, je ne serai qu'à toi, tu m'appartiendras, je ne serai plus une monnaie d'échange. Fais de moi ta femme, je t'en supplie ». Elle me supplie bel et bien, et ça me brise le coeur « Je serais le plus heureux des hommes de passer le reste de ma vie avec toi ». Elle sourit, se met sur la pointe des pieds, presse ses lèvres pâles sur les miennes, ses joues rosies par l'émotion, les yeux bordés par les larmes « Très bien ». Elle attrape ma main, puis me force à la suivre pendant de longues minutes à travers les bois. Je ne comprends pas tout de suite, j'aurais du, pourtant...

Il est minuit. Il nous a fallu un miracle pour nous rendre au village voisin, mais il faut croire que le Seigneur était avec nous. Elle n'a cesser de me le répéter, tout sourire, la main fermement agrippée sur le crucifix fin dans son cou, un chapelet d'allure royale, quoique rustiquement travaillée, qui ne la quitte pas. Je l'ai connu fillette, ce symbole de la religion autour du cou. Le jour où elle est devenue, pour moi, Brighìd Mac Uidhir, au creux de la nuit, devant le seul et unique témoin qui nous a consacré, il pendait dans son cou, se soulevant au rythme de la respiration qui agitait sa poitrine. Le plus beau jour de ma vie. C'était le 15 avril, il y a des décennies, et je me rappelle comme si c'était hier. Ce soir-là, on s'est aimé pour la seule et unique fois de notre vie, parce que lorsqu'on nous a retrouvé, je l'ai perdu à jamais. On me l'a enlevé. On l'a entraîné là où je ne pouvais la suivre. Ce n'était plus mes bras qui pouvaient la bercer, la tenir contre moi jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Me voilà jaloux de Dieu qui, depuis ce jour, détient le secret du sommeil éternel de la seule femme qui aurait jamais pu donner un sens au mot aimer d'un pauvre coeur malmené...

J'ai peut-être trop errer dans les abysses de mon esprit, trop essuyé de coup de la part de Monsieur son père, Monsieur son fiancé, et même écoper de quelques claques de mon propre géniteur. On m'a donc incité à foutre le camp en bonne et due forme, juste avant son inhumation à elle. On a patienté jusqu'à ce qu'on me croit parti. Ils se sont trompés. Je ne serais pas parti sans elle, je n'aurais pas pu. Je l'ai amené avec moi, usant pour la première fois de ma vie de ces pouvoirs dont elle était la seule à ne pas avoir peur pour trouver le moyen de partir en mer, un équipage réduit, condamné à répondre de mes ordres pour conserver le peu de vie que je leur avais insufflé. J'ai entendu dire que j'avais été excommunié, mais ça n'avait plus d'importance, plus aucune. Je savais que c'est ce qu'elle aurait voulu, tout simplement parce que je n'en aurais rien entendu de moins si la situation aurait été inversé. J'ai son chapelet autour du cou, et elle est désormais ma seule religion.


L'Amérique a apporté au monde Elvis Presley, Bob Marley, Clint Eastwood, Walt Disney, Marilyn Monroe, Fred Astaire, Charlie Chaplin et Audrey Hepburn. On peut appeler ça quelque chose pour un pauvre paumé qui a débarqué sur les côtes de l'Atlantique il y a une vie et des poussières, du moins j'en ai l'impression. Le temps passe, certaines choses ne changent pas. Je continue de m'assoir sur le port d'un port, mais ce ne sont plus des navires en bois, mais des paquebots dotés de plusieurs étages qui y accostent. On ne se sert plus de la force des hommes pour en débarquer la marchandise, mais plutôt d'immenses machines en fer, en acier et en aluminium que l'on dirige d'une simple manipulation. On a remplacé le travail à la sueur de son front par un travail considéré comme une corvée, il suffirait de ne pas faire d'efforts pour être entretenu par l'État. Cette façon de voir les choses me donnent des envies de meurtre, et c'est pourquoi j'ai eu un mal fou à m'adapter à cette humanité trop gâtée, privilégiée, qui n'a pas la moindre notion du labeur ou de la satisfaction. Je plonge encore mes jambes à la mer, mais celle-ci n'est plus que l'ombre d'elle-même. On la vide de ses poissons sans lui donner le moindre répit, on l'empoisonne avec les déchets des hommes sans prendre soin de l'épargner, on se moque des états d'âme, alors qu'elle hurle à l'aide quand des bancs de poisson entier sont empêtrés dans les marées noires, des oiseaux, des cétacés qui s'échouent comme les galions de jadis, non de coup de feux, mais de ce poison qui détruit lentement, mais surement, le bien le plus précieux qui couvre des étendues sans fin qui sont négligés par les hommes d'aujourd'hui. Les vagues se brisent sur mes jambes, léchant au passage l'un des derniers à la considérer comme une déesse, comme une mère, comme son chez-soi, l'implorant de prier pour elle, pour son salut, pour la survie des habitants de ses profondeurs. Je prie pour elle plutôt que sur moi, je prie pour elle plutôt que pour tenter d'effacer et de panser des blessures purulentes sur lesquelles le temps n'a aucune incidence. Certaines sont trop vives, près d'un siècle plus tard, que ce soit la disparition de mon frère dans l'incendie où je n'ai eu pour me recueillir qu'une dépouille calcinée, que ce soit les mains du seul être humain que j'espère pourri depuis un bon moment déjà dans les tréfonds des Enfers, que ce soit de sa main même qu'elle eut périt n'a guère d'importance, tout ce qui me navre, me détruit à petit feu, c'est qu'on l'a fait par jalousie, par soucis de se la garder pour soi, de ne pas laisser quelqu'un d'autres avoir ce que l'on désirait si ardemment. C'est pourquoi j'ai cherché à me réconcilier avec Callum, mais encore là, je n'ai pas eu droit à une douce compensation. Il semblerait que je sois voué à me lamenter sur mon sort jusqu'à la fin des temps. Très bien, pour la peine, allumons une cigarette, histoire de se condamner bien comme il faut.

« Une autre bière, Andy? Ça a été, au boulot? ». Il semblerait que mes fréquentations ne sont pas les meilleurs, mais Alvin n'a pas son pareil et sa bière importée me rappelle chez moi. La Guinness. Il me considère comme un ami, alors que j'ai perdu l'habitude de compter pour quelqu'un. Il est barman, et je suis son client. Je n'ai pas le coeur de le détromper, et je n'aurais aucun scrupule à l'abandonner si l'occasion arrivait. Pas un seul. Si ça fait de moi quelqu'un de mauvais, je ne détromperai personne. Je joue avec mon chapelet, sous mon chandail, relève la tête, levant ma pinte, un fin sourire aux lèvres « Ils se bousculent tous pour me faire la conversation, j'ai la tête de l'emploi, tu serais fier ». Il éclate de rire, de même qu'un ou deux habitués de la place. Je travaille dans une morgue, d'où ce brin d'humour. Je reprends doucement mes aises dans cette humanité qui me sied aussi bien qu'un smoking trop serré. J'y étouffe, parfois, mais j'ai parfois l'impression de m'y perdre comme dans un pull immense. C'est étrange, effrayant parfois. Il n'y a qu'en noyant ce passé que je rumine dans les tonneaux de bière que je m'acclimate à peu près, pour de bon. C'est donc comme ça que je commence la soirée, descendant une, puis deux, puis trois, quatre pintes. À peine éméché, c'est que j'ai des années de pratique, et suffisamment d'argent pour assumer les heures de pratique nécessaires. Il semblerait que cela porte ses fruits, et que j'ai peine à trouver le chemin - la brume est épaisse, ce soir - jusqu'à l'arrière boutique, où madame Alvin y tient un bordel, comme j'en avais l'habitude, en Irlande. Il ne fallait qu'un endroit comme cela pour m'éveiller à une sourde et profonde torpeur. C'est à quelques heures de route d'Aberdeen, mais j'y passe souvent les week-end. J'y retourne chaque fois que je peux, c'est un peu comme ma bouffée d'air chargé de silice, comme l'eau de mer.

« Je peux m'assoir? » me lance une brune, le teint hâlé, l'air lasse, mais arborant un sourire forcé sur les lèvres. Elle désigne ma cuisse sans aucun préliminaire, je ne demande rien de plus. Je me redresse légèrement, attrape sa taille sans ménagement, la dépose soigneusement, sans être trop brusque non plus, respirant l'odeur d'une femme, bien qu'usée malgré son jeune âge, respire mon passé, respire la vie de marin, les fréquentations de fond de cale, une pute en bonne et due forme. Elle ne me dégoûte pas, c'est son métier de vivre d'un plaisir éphémère et factice qu'elle fait vivre aux hommes crédules. C'est son métier de faire tomber les proies les plus faciles, de leur soutirer argent et faveur, d'entretenir leur beauté et leur vice à l'aide de la faiblesse des hommes. C'est le plus vieux métier du monde que celui-là « Elena, tu veux bien nous servir un truc fort? ». La tenancière de ce lieu ne se gêne absolument pas pour nous sourire, ravie, laissant les autres clients et ses filles prendre leurs aises. On nous sert nos verres, et les esprits s'échauffent. Très bien, je n'en attendais pas moins. Derrière une porte, les vêtements volent les uns après les autres. Ma main se referme légèrement sur son cou, descendant le long de son épaule, de son bras, la sentant frissonner sous mes doigts. J'imagine très bien un vampire charmer sa proie, parfois, on dirait qu'elles en oublient leur rôle, ces prostituées contemporaines, je la sens défaillir sous mes doigts. Je m'approche pour prendre possession de ses lèvres, puis recule. Réitère le jeu jusqu'à ce qu'elle se lasse, mordant ma lèvre inférieure. Satisfait, je prends réellement possession de sa bouche, ne la relâchant qu'à bout de souffle, interrompu avant l'heure par sa minuscule main qui se referme sur le chapelet qui est le seul vêtement qu'il me reste « À quoi cela te sert? Il n'y a pas de Dieu ici, il n'y en a jamais eu, et si jamais il est là-haut, il s'en branle de ce qui peut bien nous arriver ». Je me crispe, me recule, la détaille du regard de la tête aux pieds, puis recule. Elle a beau avoir dit ça avec une voix chaude, dans un état second, davantage préoccupée à arquer son corps contre le mien, ça me fait le même effet qu'une douche froide. J'attrape mon jean, boutonne ma chemise sous son regard crédule. Je sors des billets, un brin plus qu'il n'en faudrait pour l'avoir prise comme il se doit « Les voies du Seigneur sont impénétrables, c'est peut-être une notion abstraite pour une prostituée, mais tu embrasseras ta Destinée, un jour, j'en suis persuadé ». Sur ce, je m'allume une cigarette avant même de sortir de la chambre où elle n'a pas bougé d'un trait, saluant Elena et Alvin au passage. Je reviendrai peut-être demain, qui sait, mais pour l'instant, la mer m'appelle, car c'est la seule mère qu'il me reste.