Le silence avait repris ses droits, après le bruit assourdissant des conversations, des chants et des cris des clients. À présent que le bar avait fermé ses portes, laissant tout le monde aller décuver dehors avant le lever du soleil, le calme semblait presque irréel. De mon côté, je venais tout juste de nettoyer le comptoir ainsi que les nombreux verres déposés dessus. J’avais exécuté tout cela machinalement, ne calculant aucun de mes gestes après des années de pratique en tant que barman. Au point de me laisser aller à remettre chaque bouteille à leur place habituelle. Au fond, j’avais conscience d’avoir l’air d’un véritable maniaque, mais tout cela semblait me rassurer et pendant que j’effectuais ces gestes coutumiers, j’avais tout le loisir de faire le point et de pouvoir réfléchir calmement sans aucune interférence. En effet, les autres employés étaient déjà partis, ou ils s’afféraient de la même manière que moi afin de tout remettre en ordre pour le lendemain. Toutes les fermetures se déroulaient de la même manière. Pourtant, mon instinct me disait que quelque chose était différent et cela me rendait plutôt nerveux. C’était stupide et je le savais, mais du coup, j’avais un peu de mal à me réjouir à l’idée de quitter les lieux. Par conséquent, j’étais en train de traîner, faisant presque briller le bar derrière lequel j’avais déjà passé la soirée à travailler. À croire que j’avais peur qu’il me manque dès que je m’en serais éloigné. C’était vraiment ridicule… « Wylan, je ferme la porte, tu passeras par derrière lorsque tu auras récupéré tes affaires ? » Relevant les yeux, je croisai le regard de mon collègue, qui attendait ma réponse, les clés à la main. « Pas de soucis, j’ai l’habitude de sortir par là-bas, c’est plus prêt des vestiaires. » Il me sourit une derrière fois avant de fermer la porte derrière lui et de disparaître.
A priori, j’étais seul à présent et je commençais sérieusement à me demander si c’était une bonne idée de traîner de la sorte. Peut-être que j’avais au contraire attiré les ennuis, mais c’était sûrement ma paranoïa qui me poussait à voir le mal là où il n’était pas. Dans le doute, je me dépêchai tout de même de rejoindre les coulisses dans lesquelles se changeaient habituellement les danseurs et danseuses du bar, mais également les employés. N’allez pas croire que nous nous baladions partout avec nous vêtements assortis. Sillonnant entre les meubles, je m’empressai de retrouver mes affaires avant d’ôter rapidement ma tenue de barman, élégante et sobre, afin d’enfiler un jean, un tee-shirt et une veste en cuir. Puis, soudain pressé de quitter les lieux, je pliai hâtivement les vêtements que je venais de retirer avant de les fourrer dans mon sac sans aucun ménagement. J’étais en train de jeter la bretelle sur mon épaule, prêt à partir quand un bruit attira mon attention. Nerveux, je sentis mon pouls s’accélérer, tandis que je réfléchissais le plus rapidement possible. Avant d’entendre quoi que ce soit, j’étais persuadé d’être seul, alors soit quelqu’un était entré, soit j’étais en train de m’imaginer n’importe quoi à cause d’un courant d’air ou d’un animal quelconque. Ce qui était vraiment risible, je le savais, pourtant, je ne pus m’empêcher de me diriger rapidement vers la porte de sortie, slalomant instinctivement entre les obstacles que je connaissais par cœur à présent. Mais lorsque ma main se referma sur la poignée, un autre bruit me fit sursauter. Certes, j’étais presque dehors, mais aussi bête que cela puisse paraître, je n’étais plus vraiment sûr que ce que j’avais entendu provenait de l’intérieur… Hésitant un instant, j'extirpai lentement les clés de ma poche afin de me laisser le temps d’analyser la situation.
Une fois que j’eus mis de l’ordre dans mes pensées, je sortis en refermant la porte derrière moi. Si quelque se trouvait encore à l’intérieur, il y était enfermé jusqu’à demain. Cette idée m’arracha un sourire, comme une petite victoire. Ce qui était stupide puisque tout ceci était sûrement le fruit de mon imagination. Rassuré, j’étais prêt à rentrer chez moi en riant de ma propre bêtise quand une voix me fit rapidement déchanter. « Hé toi là… Tu es barman, non ? Je t’ai vu à l’intérieur… » Un soupir las s’échappa de mes lèvres. Vraiment, j’aurais tout donné pour que mon instinct m’ait joué des tours. Mais non, lorsque je me retournai enfin, un homme titubait vers moi, et je n’eus aucun mal à deviner qu’il s’agissait d’un client du bar qui était sorti complètement saoul. Soudain, je me surpris à rêver de mon appartement et de mon lit doux et confortable. Au lieu de quoi, j’allais devoir me défendre contre un homme qui était visiblement plus baraqué et plus musclé que je ne l’étais. Non pas que je sois fin mais lui avait visiblement plus l’habitude que moi de se battre, ce qui n’était pas bien difficile, puisque je me contentais de me défendre, rien de plus. D’ailleurs, je n’allais pas avoir le choix cette fois encore et remontant les bretelles de mon sac à dos, je me préparai à me protéger… Plus que deux enjambées et il fut devant moi. Malgré l’alcool qui coulait dans ses veines, il était encore alerte et sans que je n’ai le temps de le repousser, il m’empoigna le bras avant de le bloquer fermement. Surpris, je constatai alors qu’il avait plus de force que je ne l’avais imaginé, peut-être que son état d’ébriété y était pour quelque chose, allez savoir. « Lâchez-moi ! » Furieux, je ne supportais pas qu’il m’approche de moi et encore moins qu’il me touche de la sorte. Après tout, je n’étais pas du genre à laisser n’importe qui s’autoriser une telle proximité avec moi, à cause de mon côté sauvage sans doute. Mais quoi qu’il en soit, avant même d’en avoir eu l’idée, je sentis mon poing s’enfoncer dans son estomac. Il l’avait pas volé celle-là. Sauf que maintenant, je risquais de me prendre le retour de flamme et je n’y étais pas vraiment préparé. Dans la confusion, j’esquissai un geste approximatif, censé parer un coup éventuel, mais soyons honnête, je doutais que cela soit efficace… J’étais foutu.
HJ - Huhu, t'as vu, j'ai mis le gif, comme je te l'avais dit (a) Ouais ouais, j'ai osé, avoues que tu pensais que j'allais oublier ~