AGE ☞ vingt-deux ans ORIENTATION SEXUELLE☞ hétérosexuelle ORIGINES ☞ américaines RACE ☞ humaine CASTE ☞ humaine avertie, médium OCCUPATION ☞ thanatopractrice CARACTÈRE ☞ douce - extravertie - optimiste - manque totalement de diplomatie - lunatique - joueuse - insaisissable - naïve - séductrice - désinvolte - si sérieuse pourtant - menteuse - adroite - rêveuse - généreuse - soumise - lucide - confiante - obtus.

QUE PENSEZ VOUS DES ESPÈCES SURNATURELLES ? ☞ La première fois que le monde surnaturel s'est révélé à moi, j'avais encore l'âge de croire aux monstres sous le lit. Savoir qu'ils existaient avait un côté rassurant. Je savais désormais contre quoi je me battais, la nuit, dans mon lit, et dans mes pires cauchemars. Les premiers fantômes que j'ai côtoyé ont pourtant réussi à m'apprivoiser, à tel point que je préfère désormais leur compagnie. Je les trouve plus honnêtes. Ce sont eux également qui m'ont éveillé à toutes les possibilités que sous-entendait leur existence. Je ne m'étais jamais posé la question, mais quand les loups se révélèrent au grand jour, je dus user de tous mes talents d'actrice pour feindre la surprise. Je m'en doutais. D'autres n'eurent aucun mal à me persuader de l'existence des vampires, ou des sorciers. C'était la juste continuité des choses. Quant à savoir ce que j'en pense ... Que voulez-vous que je réponde à cela ? Ils sont là, ils existent, au même titre que vous, que moi. Je suppose que nous ne pouvons juger leur droit à la vie. Et ne me parlez pas de Bien, ou de Mal. Il y a déjà fort longtemps que ces notions n'ont plus aucunes valeurs à mes yeux. Disons que j'accepte leur présence. Et que je n'ai actuellement aucun grief contre eux. Mais si vous souhaitez me lancer sur le sujet, parlons donc des nécromanciens. Savez-vous le nombre de plaintes d'âmes tourmentées que je reçois chaque jour, parce que l'un de ces oiseaux de malheurs s'amuse à jouer avec leur corps, alors qu'ils n'aspirent qu'au repos éternel ? Ces corps sans âmes, ces zombies, ça c'est contre-nature ! Mais allez donc l'expliquer à cette bande de charognards.

QUEL EST VOTRE PLACE DANS LA SOCIÉTÉ ? ☞ Aux yeux de tous, je suis une fille banale, girl next door sans grand intérêt, au métier morbide et à l'attitude des plus étranges. J'éveille votre attention quelques instants, mais si vous ne creusez pas trop, vous m'oublierez au bout de quelques minutes. Pour être exact, si vous n'êtes qu'un simple humain, je ne ferais probablement rien pour vous retenir. La compagnie des fantômes me suffit amplement. Du coup, quant à tergiverser sur ma place dans la société, je suppose qu'il serait plus juste de dire que je n'en ai pas vraiment dans celle des humains, tant je suis happée par celle des fantômes. En fait, je passe la plupart de mon temps à tenter de réaliser leur dernière volonté. Pour leur permettre de passer de l'autre côté, vers les limbes, le paradis, ou l'oubli, selon en quoi ils croient. Et je peux vous assurer que réaliser la dernière volonté d'un mort, ça prend du temps. Ne serait-ce qu'en tentant de convaincre leur famille que je ne suis pas une folle furieuse. Les humains ne sont pas aussi excitants. Mon univers se résume donc à ça. Des fantômes et des dépouilles, auxquelles j'offre tout l'amour que je ne peux offrir à d'autres. Et si je me transforme en justicière le jour, la nuit, j'endosse une autre casquette. Je suis une Marquée. Je suppose que cela explique pourquoi les loups tournent si peu autour de moi. Je dois sentir bien fort, pour leur odorat si délicat.

LE DIRECTOIRE ☞ Je ne m'intéresse pas énormément à la politique de mon pays. Mais je suppose que c'est une bonne chose que le Directoire soit là pour réguler les dérives des espèces surnaturelles. La vision que j'ai de cette organisation reste assez primaire, je les vois comme une grosse police du monde surnaturel. J'ignore tout le reste, c'est ce qui fait que je reste assez sur mes gardes. La présence toute jeune d'humains dans la direction du Directoire ne me rassure même pas. Nous ne pouvons rien faire contre eux, et je n'interprète cette promotion que comme un moyen d'endormir nos méfiances. Exactement ce qu'il faut pour raviver les miennes.

Une partie complètement facultative, que vous pouvez remplir si vous le souhaitez ou tout simplement la supprimer. Elle est là afin de décrire les particularités de votre personnage, ses habitudes et tous les petits détails qui rendent votre personnage si unique et si attachant. La mise en page est libre, tout comme le nombre de mots, mais tentez de développer un minimum tout de même.

PSEUDO / PRÉNOM ☞ Clémentine, Noctambule.
PRÉSENCE ☞ cinq jours sur sept minimum.
OU AVEZ VOUS CONNU LE FORUM ☞ Lisa a pointé un revolver sur mon crâne.
COMMENTAIRE(S) ☞ L'est beau *.*
POSTE VACANT, SCENARIO OU INVENTÉ ☞ Inventé.
COMPTE PRINCIPAL OU DC ☞ Compte principal.
AVATAR ☞ Ashley Smith.

C'est le bruit qui lui fit d'abord relever la tête. Mat, à moitié amorti par l'épaisseur du double vitrage. La cuillère arrêtée à mi-chemin entre son bol et sa bouche, le lait dégouttant goutte à goutte sur la nappe cirée, elle regarda le corps, minuscule, glisser le long de la porte vitrée. Ce bruit-là était trop ténu pour qu'elle l'entendit, mais elle l'imagina sans peine. Le bruit que fait un doigt en se promenant appuyé sur une vitre. Et le froissement des plumes. Ce fut un bruit, ou plutôt son absence, qui mit la puce à l'oreille de Zohra, et lui fit abandonner l'évier où s'entassait la vaisselle du petit-déjeuner. Sa fille avait une façon si particulière de mâcher ses céréales, comme si elle souhaitait en extraire une symphonie. Et chaque symphonie se terminait invariablement par une aspiration goulue. C'est cela qui manquait. Elle n'avait pas entendu le lait. Elle retirea sans gestes brusques les gants qui protégeaient sa manucure, et s'approcha de sa fille, qui n'avait pas abandonné son étrange position. Dans sa bouche entrouverte, on devinait une dentition édentée. Elle effleura du bout du doigt ses cheveux blonds. « tout va bien, ma puce ? » Le son de la voix maternelle sembla éveiller l'enfant, qui lâcha sa cuillère -celle-ci venant reproduire le son d'une cloche en s'écrasant par terre, racla sa chaise sur le carrelage, et se précipita, sur ses jambes trop courtes de bambin, vers la porte d'entrée, sa mère sur les talons.

L'oiseau était toujours là. Tout doucement, comme si elle pouvait encore le blesser, elle le prit entre ses mains, et caressa d'un doigt son plumage. Sans un regard pour Zohra, elle demanda. « est-ce qu'il est mort ? » « j'en ai bien peur, mon cœur. tu devrais attendre un peu, il est peut-être juste assommé. » « non. regarde, il ne bouge plus. il est mort. » Une larme solitaire roula sur sa joue ronde. « alors il va falloir l'enterrer. sous le noisetier, devant la fenêtre de ta chambre. »

Il n'avait pas fallu creuser longtemps. La terre était meuble, le cadavre, minuscule. Zohra l'avait enroulé dans du sopalin, mais Siloë avait refusé de recouvrir sa tête. Elle le tenait serré contre son cœur. Puis elle l'avait déposé dans le trou, avait prononcé quelques mots, en lui souhaitant une vie meilleure au paradis des oiseaux. Et Zohra avait rempli le trou, et avait planté deux bouts de bois pour former une croix et situer la tombe. Un bouton de rose était venu la décorer. Quelques souvenirs de catéchisme de Zohra agrémentèrent la cérémonie funèbre d'une prière, étrange mélange d'un vieux Nôtre Père et d'un Je vous salue Marie bancal. Puis, avec un dernier regard triste, Siloë reprit ses jeux d'enfant.

Un sifflement de moineau la réveilla le lendemain matin. Elle ne se souvenait pas avoir laissé des miettes de pain sur le rebord de la fenêtre, la veille. Pourtant il était bien là, à picorer paisiblement. Elle s'approcha, et pendant un instant, leurs regards se croisèrent, le temps sembla suspendu. Puis elle vit le noisetier, et la tombe à ses pieds. La croix renversée, la terre retournée, le corps de l'oiseau, envolé. Ses yeux vacillèrent, l'oiseau, la tombe, l'oiseau, la tombe. Ce fut la première chose qu'elle dit à sa mère, ce matin-là. « maman, regarde, l'oiseau a ressuscité. » Zohra ne dit rien. Le monde que se créait sa fille semblait bien plus beau que toutes les vérités. Aussi se contenta-t-elle d'acquiescer. Et ce jour-là, quand elle retrouva l'oiseau déchiqueté devant la chatière du voisin, elle le mit dans la benne à ordure. Pour que Siloë ne le retrouve jamais. Pour qu'elle se contente de ses fantasmes d'enfant.



Le plafond de la salle de jeu était décoré d'une reproduction des constellations. Un vent frais s'insinuait par la fenêtre entr'ouverte, et venait faire voleter le rideau fleuri et les pages des magazines. On a qu'à dire qu'on est dans une fusée. Siloë tourna la tête vers le petit garçon qui ne lâchait pas son train en bois. D'accord, on a qu'à.

Dans la pièce d'à côté, un homme au crâne dégarni et aux lunettes à la monture en demi-lune notait d'une main patiente, dans un grand cahier, les paroles de deux parents inquiets. « le concept même d'ami imaginaire ne doit pas vous effrayer outre mesure. et cela arrive beaucoup plus fréquemment chez les enfants de son âge que l'on ne pourrait le penser de prime abord. je comprends que vous souhaitiez me voir suivre votre fille, mais c'est quelque chose que je ne préconise pas dans l'immédiat. » « docteur ... vous ne comprenez pas. ce ne sont pas seulement des hallucinations d'enfant. siloë parle de fantômes. elle voit des choses qui n'existent pas. et parfois, elle dit des choses ... des choses qui ne peuvent pas sortir de l'imagination d'une enfant de dix ans. » « et nous nous inquiétons beaucoup, considérant les ... les antécédents psychiatrique de ma famille. ma tante et ma grand-mère souffraient également de schizophrénie. » L'homme feuilleta un instant le dossier posé sur ses genoux. « il est dit là dedans que siloë a été suivi après son accident. pourtant mon confrère n'a rien relevé de particulier ... » « et pourtant, sauf votre respect, ma fille n'avait pas d'amis imaginaires, avant son accident. » « très bien. je vois. monsieur penderghast. madame penderghast. je vais vous demander de patienter ici, le temps que durera la consultation avec votre fille. »

« je vois que tu as trouvé les crayons siloë. est-ce que tu me permets de regarder tes dessins ? » Sans un mot, sans un regard, la petite fille tendit vers le docteur une liasse de feuilles colorées, avant de se replonger dans son coloriage. « j'aime beaucoup celui-ci. c'est une fusée n'est-ce pas ? il y a les étoiles, et c'est ton visage dans le hublot. qui est le petit garçon qui est avec toi ? » « c'est cole. c'est mon ami. » « c'est un garçon de ton école ? » « non. » « est-ce que cole est un fantôme ? » « oui. » « et est-ce que cole te parle, de temps en temps ? » « parfois. pas beaucoup. il préfère jouer. » « et à quoi jouez vous ? » « on joue aux cosmonautes. il a un train en bois, mais il ne veut pas me le prêter. » « et pourquoi cela ? » « parce qu'il a peur. il ne veut pas que je meurs, moi aussi. » « et pourquoi mourrais-tu ? » « pourquoi, pourquoi, pourquoi, trop de questions, trop de questions, parce que les trains ça tue, tue, tue, ça déraille, ça flambe, ça brûle, ça saigne, du sang, partout, partout, ça fait mal, mal, mal, mal, mal ... » Elle releva la tête, vivement. Ses yeux percèrent le docteur. Elle essaya de se tenir droite, mais de toutes façons, depuis son accident, elle était toute bancale, toute cassée. Elle tendit au thérapeute le dessin qu'elle venait de terminer. C'était elle, dans son lit d'hôpital. La poche de sang reliée à son bras était la seule tâche de couleur. Et mille yeux la regardaient. Elle se leva, épousseta sa jupe, et se dirigea vers la porte pour rejoindre ses parents. Mais avant de tourner la poignet, elle fit volte-face, et plongea une nouvelle fois ses yeux trop vieux dans le regard de l'homme. « à votre place, je me demanderais plutôt pourquoi un enfant mort il y a plus de quarante ans dans un accident de train, vient hanter votre salle de jeux, docteur thackeray. » Seul le silence lui répondit.



La peur est plus forte que la douleur. Elle prend possession de tout son corps, s'insinuant dans ses veines, dans ses muscles, dans chacun de ses os. Ce n'est pas la douleur qui la fait hurler, malgré la morphine. Elle est terrifiée. Le monde s'est drapé d'une voile sanguin. Et c'est comme si quelqu'un s'amusait à triturer l'intérieur de son cerveau. Avec des gants de boxe. Malgré la douleur, malgré ses yeux aveugles, et malgré la langueur qui prend peu à peu possession de son corps, elle continue d'entendre, des voix, des cris surtout. Pendant un temps elle a cru reconnaître sa mère, mais c'est lorsqu'elle était encore dans l'ambulance. Depuis qu'elle est entrée à l'hôpital, elle ne reconnaît plus personne. Il n'y a plus que des inconnus, hurlant des ordres qu'elle ne comprend. Elle essaye de faire un mouvement, on la plaque durement sur la civière. Elle a juste envie de retrouver les bras protecteurs de sa mère. Mais les docteurs ne semblent pas de cet avis. Et l'anesthésiant fait peu à peu son effet, la plongeant doucement dans le sommeil.

A son réveil, la douleur a disparu. Mais la peur est toujours là, bien cramponnée à son estomac. L'odeur désagréable si caractéristique des hôpitaux lui soulève un haut-le-cœur, mais son corps semble comme accroché à son lit. Impossible de faire le moindre mouvement, si ce n'est relever légèrement la tête. C'est à ce moment qu'elle la remarque. Une jeune fille, dans un état probablement pire que le sien, pourtant confortablement installée dans le fauteuil près de la fenêtre, un numéro d'US Weekly entre les mains. Son uniforme de pom-pom girl est déchiré, elle ne semble pourtant pas y faire attention. Siloë tente de dire quelques mots, mais ceux-ci s'emmêlent dans sa gorge, la faisant tousser. La jeune fille ne relève même pas la tête. « où sont mes parents ? qu'est-ce que vous faites là, vous ? » Elle ne semble même pas l'entendre. « hey ho, je vous parle ! » Ca y est, elle a enfin réussi à capter son attention. La pom-pom girl écarquille les yeux, incrédule. Vite, si vite que Siloë a à peine le temps de la voir, elle se trouve sur le bord du lit. « tu peux me voir ? sérieusement ? j'veux dire, c'est pas une blague, hein ? » Elle avance la main vers le bras de l'enfant, et la pose dessus, tout doucement, comme avec peur. « oui, bien sûr, ç'aurait été trop facile, si j'avais pu te toucher. » Un souffle de vent, et elle se retrouve devant la fenêtre. « tu peux me voir, sans être morte. et ben, si on m'avait dit ça un jour, je lui aurait probablement ri au nez. » « je comprends pas grand chose à ce que vous dites ... qu'est-ce qui s'est passé ? » La jeune femme hausse les épaules, le regard perdu dans le vague. « accident de voiture. tu jouais sagement au milieu de la route, et bam. ce sont des choses qui arrivent. les médecins pensaient que tu ne t'en sortirais pas. c'est pour ça que je suis là, tu sais. je me disais, si je suis là pendant que quelqu'un meure, et qu'il passe de l'autre côté, et bien, je pourrais peut-être passé avec lui, qui sait. mais tu es là, bien vivante ... » Elle s'approche de nouveau du lit, et se penche pour déchiffrer le dossier médical qui y est accroché. « silo ... ë pender ... ghast. c'est marrant, ça ressemble à poltergeist. j'ai fait le poltergeist une fois. ce n'était pas marrant. quoiqu'il en soit siloë penderghast, j'avais misé pas mal sur toi, je suis déçue. pas tant que ça en fait. après tout, tu peux me voir. » « sérieusement, vous parlez trop. et je ne comprends rien à vos délires. » « super, une médium qui ne sait pas qu'elle est médium. sur qui fallait que ça tombe ? sur chloë. sérieusement, je te la fait courte : je suis morte. y a pas mal de temps en fait. on dirait pas hein ? je suis plutôt bien conservée je dois dire. toi, tu es vivante. t'as un cœur qui bat, du sang dans les veines, ton corps ne se ... décompose pas. les vivants ne sont pas censés voir les fantômes. sauf que toi, si. c'est p't-être ton accident. bim, un coup sur la tête, et paf, tu peux voir le monde des morts. c'est plutôt cool en fait. t'as genre un super pouvoir. » « est-ce que vous faites partie d'une troupe de théâtre qui vient divertir les enfants à l'hôpital, ou un truc dans le genre, parce que sérieusement, c'est pas drôle. » « sérieusement, regarde-moi. j'ai jamais été aussi sincère de toute ma vie. »

Chloë est partie. Elle est revenue très vite. Mais elle n'est plus seule. Ce sont mille fantômes, et leurs mille paires d'yeux, qui se bousculent désormais pour voir l'enfant-qui-voit.



Elle fit rouler la pilule entre son puce et son index, une fois, deux fois, jusqu'à ce que le blanc et le rouge se mélangent et que son oeil morne ne voit plus qu'une tâche rose indistincte. Elle l'a reposa sur la petite coupelle blanche sur la table de nuit, et retourna s'asseoir sur le rebord de la fenêtre. La petite forme sous les couvertures n'avait pas bougé. « il faut que tu arrêtes de prendre ça, siloë, ça te bousille le cerveau de l'intérieur, ça va finir par te transformer en légume, et tu ne pourras plus nous voir. » « j'ai pas le choix, chloë. maman a compris que je feintais, et je suis obligée de prendre le médicament sous ses yeux. elle dit que c'est pour mon bien, mais je sais que c'est faux. ça a déjà commencé à faire effet. le vieux monsieur du n°13, je ne le vois plus, c'est à peine si j'arrive à sentir sa présence. » « oh non, pauvre monsieur swinton. tu es la seule personne à qui il ait parlé depuis des siècles. » La couverture vola au pied du lit, et un petit moineau en émergea. Maigre, pâle, les cheveux en bataille, les yeux cernés, Siloë ressemblait encore comme deux gouttes d'eaux à la petite fille qu'elle avait rencontré, sur un lit d'hôpital, il y a de cela trois ans. Les yeux céruléens s'emplirent soudain de larmes, et la petite fille tenta de les cacher derrière ses mains. Les bras du fantôme l'enserrèrent aussitôt. Chloë ne pouvait pas à proprement parler la toucher, et Siloë ne la sentait pas au sens strict du terme. Mais lorsque leur deux peaux entraient en contact, c'est comme si le corps de l'enfant était parcouru d'électricité, et une vague glacée se déversait sur elle, lui faisant s'hérisser les poils. N'importe quel humain lambda aurait fui à cette sensation. Mais pour Siloë, il n'y avait rien de plus réconfortant que les bras de Chloë autour d'elle. Elle en fût immédiatement apaisée. « pourquoi toi, tu ne disparais pas ? » « je ne sais pas. peut-être parce que je suis morte depuis longtemps, alors je m'accroche plus facilement au monde des humains. peut-être parce que tu tiens beaucoup à moi, aussi. mais un jour ou l'autre, ces médicaments me feront disparaître, et peut-être que ce sera ... irréversible. » Cette idée, affreuse, dégoutante, déroutante, dit frissonner Siloë, et Chloë resserra son étreinte, les larmes jaillirent de nouveau. « je les déteste, je les déteste tous. » Elle remonta de nouveau la couverture sur sa tête. La pom-pom girl reprit sa place près de la fenêtre, et son regard perçant s'attarda sur une antique maison qui semblait assombrir tout le voisinage. Elle savait qui elle détestait, elle. C'était le petit nécromancien, qui partageait encore il y a peu tous ses secrets avec sa jeune amie, qui était la cause de tout ça. Avant qu'il ne décide de couper les ponts, de se montrer si distant, Siloë ne ressentait pas le besoin de parler de son don à tout le monde. Puis il s'était éloigné, et elle s'était mise à parler de ses amis fantômes, ostensiblement. Ce qui avait mené ses parents à la faire visiter des psychologues, puis, des psychiatres. Chloë avait maintes fois tenté de prévenir sa protégée des dangers qu'il y avait à côtoyé des nécromanciens. Siloë ne l'avait jamais écouté. Rencontrer Tom avait bouleversé sa vie. Pas tout à fait normal, pas tout à fait différent. Il était comme elle, à un autre niveau. Mais certains fantômes avaient pris cela pour de la trahison. Calmement, menés par la pom-pom girl, ils avaient expliqué à la jeune fille l'injure que leur faisait subir les nécromanciens, ramenant leurs corps morts à la vie, leur refusant le repos éternel. Et Siloë, parce que telle était là sa vocation de médium, avait transmis le message. Et un jour, la magie avait cessé de faire partie de leur existence. Tom continuait de venir la voir, certes, mais il ne parla plus jamais de son don, ni de celui de son amie. C'était comme si l'unique exutoire de la petite fille s'était envolé. Siloë avait sombré. Son trop pleins d'émotions avait débordé. Puis il y avait eu les psychologues, puis les psychiatres. Et le coeur de Chloë qui s'effritait, de voir son enfant souffrir ainsi.
« il est là. » Trois mots. Trois mots avaient suffit pour remettre Siloë sur ses pieds et la faire rejoindre la fenêtre. De l'autre côté de la rue, dans le jardin de l'antique maison, deux enfants étaient assis dans l'herbe. On ne voyait d'eux que leur dos, mais on pouvait sans peine imaginer devant eux le corps sans vie de quelque animal, qu'ils s'amuseraient à ramener à la vie, comme les petits enfants capricieux qu'ils étaient. « va voir. » Chloë tourna vers Siloë des yeux tristes. Malgré tout ce que la première avait pu faire, ou dire, la seconde n'avait jamais oublié son ami. Et parce que personne ne pouvait la voir, la pom-pom girl se voyait reléguer au rang d'espion. Elle s'évapora sans un bruit, et réapparut à côté des garçons, sans un regard pour la maison des Penderghast. Un moineau s'envola devant elle, avant de retomber, quelques mètres plus loin. Sa bouche s'emplit d'un goût de terre. A force de le suivre, Chloë avait commencé à cerner ce que devait être la vie de Tom, sans jamais perdre le dégoût que lui et sa famille lui inspiraient. C'était la pitié qui, étrangement, était venue se mêler à sa rancœur. Et la certitude que jamais, au grand jamais, Siloë et lui devaient reprendre contact. Il n'était pas fait pour elle. C'est pourquoi la gamine ignorait encore que, si elle espionnait ainsi son voisin, elle l'était aussi en retour, par ce gamin aux cheveux noirs. Et ça, c'était un secret que Chloë souhaitait garder jusqu'à la tombe.



Peut-être que pour mieux comprendre la vie de Siloë, il nous faut nous attarder sur l'un de ses évènements majeurs. Lorsqu'elle comprit enfin ce que son don signifiait réellement. Qu'elle prit enfin en considération toute l'ampleur de ce qu'elle était. Jusqu'alors, Siloë s'était évertuée à posséder la vie la plus normale possible. Elle avait fini par comprendre que le monde n'était pas prêt à accepter l'existence d'un monde surnaturel, et elle avait fermé la porte de son monde d'enfant, s'enfonçant dans le mensonge. Trois tours de clef. La clef dans la poche. On ne parlait plus des fantômes. Sinon, c'était le retour des pilules, le monde blanc et cotonneux, l'apathie, la mort des sens, son esprit qui se voilait et la réalité qui s'échappait. Siloë avait appris à mentir pour survivre, pour ne plus inquiéter Zohra et David, pour que les autres enfants l'oublient, arrêtent de la montrer du doigt. Au lycée, elle était une adolescente comme les autres, c'était l'image magnifique qu'elle offrait aux gens, magnifique, douée, studieuse, impliquée dans la vie scolaire, elle avait même le privilège de porter depuis la saison dernière les couleurs de l'équipe de football. C'était Chloë qui en avait eu l'idée, mais évidemment, si on lui posait la question, jamais elle ne la mentionnait. Elle était normale désormais, si l'on s'en référait aux codes de la société.
Mais son équilibre était précaire, tiraillée qu'elle était entre deux mondes qui se superposaient sans jamais se toucher. Comment aurait-elle pu deviner qu'un simple baiser ferait tout voler en éclat ?

Spoiler:

le retour de Tom / thanatopraxie / vampires.