C’était un jour d’hiver, le vent soufflait contre les vitres de l’hôpital. On pouvait entendre sa plainte faire grincer les murs et craquer les fenêtres. La température était glaciale, mais à l’intérieur de ces murs il y avait lieu un petit miracle de la nature, c’est ce que m’a toujours dit ma mère, mais je ne l’ai jamais vu de la sorte, surtout pas depuis quelque temps, surtout pas depuis qu'elle est partie. Je ne pouvais pas encore parler que je pouvais ressentir l’amour qu’avait ma mère pour moi. Je me souviens encore de son visage qui avait les traits d’un ange et qui me souriait, un sourire plein de douceur et éclatant. Déjà, avant que je ne puisse dire un moindre mot, je pouvais ressentir son amour et sa douceur traverser tout mon petit corps d'enfant. Mon père, un homme grand portant la moustache me regardait de ses yeux noisette, il semblait sévère, mais je pouvais savoir qu’il était content de voir le bout de mon nez. Toute ma vie semblait construite sur un conte de fées, j’eus une enfance facile avec des parents merveilleux. Mais ont raconte que chaque histoire à son lot de tristesse, je ne pensais pas que la mienne allait en faire partie, je continuais de me bercer de cette illusion qui était mienne. Je ne voulais pas le croire, du moins je ne le pouvais pas parce que j’aimais cette vie qui était la mienne. Ma mère était toujours là pour moi, comme une ombre bienveillante derrière moi prête à me soutenir dans tout ce que j’allais entreprendre et ce que j'allais faire. C’est toujours comme cela que je me suis sentie avec elle, elle était mon ange gardien et je pense qu'elle l'est encore. Ma mère était une magicienne, une comédienne à mes yeux, elle était simplement tout pour moi. Je me souviens encore des histoires qu’elle me racontait alors qu’il était le temps de dormir, des histoires emplies de magicien et de monstre comme les vampires ou les loups-garous. À ce moment, j’étais loin de me douter que tout ce qu’elle me disait était réel et qu’elle en connaissait l’existence, c'était sa façon à elle de me parler de ce monde que je ne connaissais pas, mais qui était réel. Je me souviens de la passion qu’elle avait dans la voix alors qu’elle prenait chaque rôle au sérieux, sa voix se modifiait jouant des intonations pour rendre le tout plus réaliste. Je pense que c’est pour cette raison que je suis metteuse en scène au théâtre, grâce à la passion que ma mère mettait dans ses histoires, la vérité et la passion qu’elle semblait y mettre. J’étais une enfant simple, qui ne demandait pas grand-chose et qui ne pleurait pas pour un rien. Le genre d’enfant de qui ont est fier, qu’on félicite et qu’on aime de tout son cœur. C’est comme ça que j’étais, la petite fille modèle, qui faisait ses devoirs, qui écoutait pendant les cours et qui était sage. Toute bonne chose à pourtant une fin, rien n’est comme ont le veux vraiment, tout fini par changer sans que l’on s’y attendre. Maintenant je ne suis plus comme ça, je ne suis plus un modèle, je ne suis plus un enfant et surtout, je ne me berce plus d’illusions. J’affronte cette réalité jour après jour et elle est toujours de plus en plus difficile à surmonter.

J’étais loin de me douter que ma mère était rongée d’un mal incurable, un mal qu’elle me cachait depuis longtemps. J’ai toujours trouvé qu’elle était une bonne comédienne et il faut croire qu’elle l’a été jusqu’au bout. J’avais onze quand j’ai appris que ma mère avait le cancer des poumons et la maladie était tellement propagée qu’il n’y avait aucun moyen de la guérir. Elle ne voulait suivre aucun traitement et il ne lui restait que quelques semaines à vivre. C’est impossible de décrire la douleur qui a prit place au fond de mon âme, la douleur, le manque, le vide et la souffrance. Je me sentais trahie en même temps que je me sentais triste et que j’avais envie de partir avec elle. Je ne pouvais rien faire pour l’aider et plus les jours s’écoulaient, plus je pouvais voir la souffrance se peindre sur ses traits. J’étais impuissante devant la propre mort de ma mère, je ne pouvais rien faire pour remettre la paix sur ses traits si beaux auparvant. J’étais spectatrice de la mort de celle que j’aimais le plus, je regardais un film dont j’avais deviné la fin, un film dont je ne pouvais pas changer l’histoire et j’en souffrais. Cette semaine a été la plus longue semaine de ma vie, le temps s’écoulait à une vitesse si lente que le temps me semblait suspendu. Je ne peux pas compter le nombre d’heures que j’ai passé enfouie dans le fond de mon lit à pleurer toutes les larmes de mon corps. C’est tout juste avant de mourir que ma mère m’avoue que toutes les histoires qu’elle m’avait racontées avant que je ne parte dans les bras de Morphée étaient réelles. J’ai d’abord cru qu’elle était en train de se laisser gagner par la folie, mais après sa mort, je me suis rapidement aperçue que ce n’était pas le cas. Autant dire que la mort de ma mère à créer un immense gouffre dans le fond de mon âme, un vide, un trou, un manque, quelque chose que mon père n’allait jamais pouvoir combler malgré tout l’amour que j’avais pour lui. C’est après la mort de ma mère que je me suis trouvé quelque chose à quoi m’accrocher. La magie. Je voulais croire à tout ce qu’elle m’avait raconté, je voulais garder cette partie d’elle en moi et ne jamais la perdre, ne jamais éteindre cette flamme. C’est comme si de cette façon, elle vivait encore en moi. C’est le moyen que j’avais trouvé de ne pas l’oublier et de la laisser vivre en moi et c’est comme ça que je me suis acharnée sur la magie, j’y croyais dur comme fer et il faut croire que cela à porté ses fruits. Avec le temps, l’acharnement et le nombre incalculable de nuits blanches que j’ai passées à étudier cet art qui était salvateur pour moi, j’y suis arrivée. Puis avec le temps, mon père a fini par se trouver une autre femme et elle s’introduisait dans ma vie, dans ma maison et dans le cœur de mon père, mais surement pas dans le mien. Je ne l’aimais pas, comment pouvait-elle penser le moindre instant qu’elle allait remplacer ma mère? Elles n’avaient rien en commun et son acharnement à tôt fait de me dégouter, jamais elle ne pourrait prendre la place de ma mère et c’est ce que je lui ai fait rapidement comprendre. Mon adolescence n’a pas été une partie de plaisir, la petite fille sage que j’étais a complètement changé pour laisser place à toute cette tristesse que j’éprouvais. Entre la magie que je tentais de contrôler, il y avait bien d’autre chose. Il n’y a rien que je n’ai pas tenté pour me sentir délivrée et pour me sauver de ma belle-mère qui était une intruse et qui l’est encore. La drogue, les fugues, les fêtes, le vol, la bagarre, les problèmes, c’est ce que j’ai fait pendant une partie de ma vie, mais restait cette partie de moi, celle que je voulais conserver de ma mère, cette magie qu’elle avait allumée en moi. D’un côté, j’étais l’enfant rebelle et de l’autre côté, j’étais celle qui aidait les autres à ne pas souffrir.

Aujourd’hui rien n’est plus pareil. Tant de choses ont changé en moi, tant de choses sont différentes et je ressens encore cet immense vide qu’a causé la mort de ma mère. Je pratique encore la magie et avec ces douze années de pratique, autant dire que je suis devenue quelqu’un d’assez agile et surtout quelqu’un qui aide ceux qui en ont besoin. C’est la façon que j’ai trouvée de m’en sortir. Inutile de vous dire que moi aussi j’ai quelque chose qui me ronge de l’intérieur, je suis damné, condamné. J’ai appris dernièrement que j’avais la leucémie. Cette nouvelle a changé le déroulement de ma vie, ma façon de penser, ma façon de me comporter et aussi ma façon de m’ouvrir aux autres. Je ne sais pas encore si je peux m’en sortir et je ne veux pas savoir. J’ai peur, je sens la peur prendre place en moi et c’est pour cette raison que je tente de vivre ma vie. Je ne sais pas si je vais mourir, je ne sais pas si je vais m’en sortir et je tente d’oublier cette maladie qui me ronge. Je tente de vivre ma vie, je tente de vivre mes rêves et je sais que mon comportement pourrait en surprendre plus d’un, mais je n’en fais qu’à ma tête. Les attaches ne sont pas pour moi, l’amour n’est pas de mise, les amies ne sont que très rares. Je ne veux pas m’attacher, je ne veux que vivre ma vie le plus égoïstement possible, faire tout ce qui est possible de faire avant de m’éteindre, aider les autres a survivre alors que je ne veux même pas lutter pour ma propre vie. Chaque jour est une lutte pour ne pas laisser tomber, chaque jour me fait avancer un peu plus dans cette déchéance qui est ma vie. Malgré le noirceur de mes propos, malgré la souffrance qui coule dans mes veines comme un poisons, je suis quelqu'un qui profite de chaque petit moment comme s'il était le dernier. Personne ne sait pour la maladie qui me ronge et je ne compte pas en faire par à qui que ce soit, je n'ai pas envie de voir la pitié dans les yeux des autres, je n'ai pas envie de me faire prendre en pitié ou me faire dire quoi faire. Je pense que je suis amplement capable de prendre mes décisions même si elle ne sont pas les bonnes. Ce que je veux, vivre ma vie à fond, si je peux le dire de cette façon. D'un côté, je ne peux m'empêcher d'aider les autres, d'apaiser leur souffrance et d'un autre côté je me laisse emporté en faisant toutes les conneries pas possibles de faire. Il me faudrait quelqu'un pour me faire entendre raison, quelqu'un pour me dire que ce que je fais est complètement ironique et stupide mais je ne laisse personne prendre cette place. Je ne laisse personne prendre une place importante dans ma vie, je ne veux faire souffrir personne autre que moi-même.